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À SILVIA
poesia [ ]

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di [GIACOMO_LEOPARDI ]

2019-11-06  | [Questo testo si dovrebbe leggere in francais]    |  Inserito da Guy Rancourt




Silvia, te souvient-il encore
Du temps de cette vie mortelle,
Quand la beauté brillait
Dans tes yeux fugitifs et riants,
Et que, pensive et gaie, tu gravissais
Le seuil de la jeunesse ?

Sonnaient les calmes
Voûtes, et les rues alentour,
À ta chanson sans fin,
Alors qu’assise à ton œuvre de femme
Tu t’appliquais, heureuse
De ce vague avenir que tu rêvais en toi.
C’était mai plein d’odeurs, et tu aimais
Passer ainsi le jour.
Parfois abandonnant
Les bien-aimées études, les pages fatiguées,
Où mon tout premier âge
Et le meilleur de moi se dissipaient,
Du haut des balcons du palais paternel
Je tendais mon oreille au son de ta voix
Et de ta main rapide
Qui parcourait l’âpre toile.
Je contemplais le ciel serein,
Les rues dorées et les vergers,
Là-bas la mer, au loin, et là les monts,
Langue mortelle ne dit pas
Ce qu’au sein j’éprouvais.

Quelles pensées de douceur,
Quels espoirs et quels cœurs, ma Silvia !
Tels alors nous paraissaient
La vie humaine et le destin !
Quand je revois une telle espérance,
Une passion m’oppresse,
Acerbe et désolée,
Et j’en reviens à souffrir de ma détresse.
Ô nature, nature,
Pourquoi ne tiens-tu pas
Ce que tu promettais alors ? Pourquoi
Te moques-tu de tes enfants ?

Avant que l’hiver même eût desséché les feuilles,
Toi, frappée, vaincue d’un mal obscur,
Tu périssais, fillette. Et tu n’as point connu
La fleur de tes années,
Ton cœur ne s’est ému
Sous la tendre louange de tes cheveux de jais,
De tes yeux amoureux et craintifs,
Et près de toi tes amies, aux jours de fête,
D'amour n’ont pas parlé.

Bientôt mourait aussi
Ma suave espérance : à mes années
Les destins refusèrent aussi
La jeunesse. Ah ! comme,
Comme tu t’es enfuie,
Chère compagne de mon jeune âge,
Mon espérance pleine de larmes !
C’est donc cela, le monde ? Cela, l’amour,
Et les plaisirs, les aventures, les travaux
Dont nous avions tant devisé ensemble ?
C’est là le sort du peuple des mortels ?
À peine parut le vrai
Que tu tombas, fragile; et de la main
La froide mort près d’un tombeau désert
Tu désignais au loin.

(Giacomo Leopardi, Chants, in Anthologie bilingue de la poésie italienne, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, 1994, pp. 1112-1116. Traduction de Michel Orcel.)

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